« Le Rabbin des Rabbins… " par Gabriel Fahri

Bonjour,

Dimanche dernier, le Grand rabbin Gilles Bernheim a annoncé son intention de se porter candidat en juin prochain à la fonction de Grand rabbin de France, répondant ainsi à l’appel exprimé par de nombreuses personnes ces dernières semaines. Ce n’est pas la première fois que Gilles Bernheim ambitionne de servir au plus haut niveau religieux la communauté juive française. Il y a quatorze ans, le jeune rabbin quadragénaire se présentait devant les suffrages des électeurs du Consistoire central. Le Grand rabbin Joseph Sitruk fut reconduit dans ses fonctions. Cela fait maintenant vingt et un ans que la communauté juive française est placée sous l’autorité religieuse du Grand rabbin Sitruk. Joseph Sitruk a accompli de grandes et belles choses en fédérant notamment la communauté autour du Yom Ha Torah. Il inspire à tous ceux qui le côtoient infiniment de respect dans la faculté qui est la sienne de répondre aux nombreuses sollicitations qu’exige sa fonction en dépit d’un accident vasculaire cérébral qui l’a profondément affaibli physiquement sans éteindre la flamme vive de son esprit. A ce jour, Joseph Sitruk entend briguer un nouveau mandat. Gageons que ceux qui l’apprécient sincèrement sauront l’en dissuader afin qu’il puisse enfin profiter d’un repos qu’il mérite plus que quiconque.

La candidature de Gilles Bernheim est porteuse d’espoirs et de promesses. Faut-il rappeler les bienfaits de l’alternance et du renouveau qui sont les garants d’un dynamisme et de nouveaux projets ainsi que d’une représentation démocratique dans cette haute fonction. L’idée même d’un septennat renouvelable sans limite n’est pas très saine. Gilles Bernheim se présente donc avec un programme qui devrait faire l’unanimité. Tout d’abord ancrer son action dans un Judaïsme orthodoxe, ou orthopraxe comme il se plait à le dire, sans pour autant se fermer aux autres expressions religieuses ou non dans la communauté juive. Assurément, on ne peut concevoir qu’un Grand rabbin de France ne soit pas orthodoxe, pour autant il lui faut être à l’écoute de tous ses coreligionnaires. Il n’est pas nécessaire de redire ici à quel point la formation des Rabbins semble en profond décalage avec les attentes réelles des communautés dans lesquelles ils exercent. Gilles Bernheim entend revaloriser la fonction de Rabbin afin qu’ils retrouvent une place centrale comme guides, enseignants et autorités religieuses dans leurs synagogues. Force est de constater que le rabbin aujourd’hui est davantage un officiant qu’un Maître.

Face à l’accroissement des mariages mixtes – plus d’un mariage sur deux est exogame – Gilles Bernheim affirme la nécessité de former les Rabbins à la compréhension de cette réalité. De quelle façon ? Par un retour à la doctrine paradoxalement. Le Judaïsme n’est pas un amalgame de superstitions, de pratiques ésotériques et autres mysticismes. La doctrine doit se renouveler dans un processus dynamique de rédaction de responsa, des décisions et arbitrages qui mettent en adéquation la Loi Juive avec les réalités de notre monde moderne. A t-on entendu un seul Rabbin s’exprimer sur le nouveau statut juridique donné au fœtus ?

Je ne partage pas la stricte orthodoxie de Gilles Bernheim mais je sais cependant qu’il parvient, avec intelligence, à la faire vivre en étant ouvert à tous. Je me dis que s’il a réussi à nouer un dialogue judéo-chrétien aussi fécond, il devrait avec habilité parvenir à créer un dialogue constructif entre juifs ! Gilles Bernheim s’inscrit dans la Tradition de nos Sages en accueillant chacun avec bienveillance et sans le juger de prime abord. Il sait écouter autrui et prendre le temps de l’échange.

Aux fidèles des communautés qui suivent la voix d’un Rabbin, sachez que les Rabbins aussi ont besoin d’un Rabbin. Gilles Bernheim sera ce Rabbin des Rabbins, comme il l’est déjà aujourd’hui pour beaucoup.

Shavouah tov, bonne semaine à tous et à dimanche prochain.

Gabriel Farhi
Mouvement Juif Libéral de France